Si vous pensiez faire vos choix de façon totalement indépendante, c’est raté. Le cerveau prend ses décisions environ 11 secondes avant que nous en ayons conscience.
Plutôt la chemise bleue ou la chemise rouge ? Votre cerveau a déjà pris sa décision mais vous ne le savez pas encore. Car le cerveau fait des choix avant même que nous nous en rendions compte, selon une étude publiée par des chercheurs de l’University of New South Wales dans la revue spécialisée Scientific Reports. Les auteurs de l’étude ont réussi à prédire les décisions prises par des personnes participant à l’étude, en moyenne onze secondes avant qu’elles n’annoncent leurs choix. Des travaux qui questionnent la possibilité de deviner les pensées d’autrui ainsi que la façon dont nos choix sont formés dans le cerveau.
11 secondes en moyenne
Lors de cette étude, les participants n’avaient pas le choix entre deux chemises mais entre deux motifs de rayures, l’un avec des bandes verticales vertes ou l’autre avec des bandes horizontales rouges. Ils avaient 20 secondes pour faire leur choix. Après avoir opté pour l’un ou pour l’autre, ils étaient invités à se représenter mentalement le motif choisi puis à estimer à quel point la représentation était claire dans leur esprit. En parallèle, les chercheurs observaient l’activité cérébrale des participants grâce à une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Cette technique d’imagerie utilisée spécifiquement pour le cerveau permet de voir quelles zones sont stimulées.
« Nous avons réussi à décoder des informations sur les images choisies dans les aires visuelles, frontales et subcorticales en moyenne 11 secondes avant que la décision du participant n’intervienne »
Roger Koenig-Robert et Joel Pearson
Leurs travaux confirment de précédents résultats qui avaient permis de prédire des décisions motrices à l’avance. Dès 2008, des chercheurs avaient pu constater une activité dans le cortex préfrontal ainsi que le cortex pariétal environ 10 secondes avant que les cobayes ne prennent de décision.
Des traces de pensées préexistantes
Cette nouvelle étude permet surtout de mettre en lumière la préférence du cerveau pour des choix qu’il a déjà effectués auparavant.
« Nous pensons que lorsque nous devons faire un choix avec deux possibilités ou plus, des traces inconscientes de choix sont déjà présentes dans notre cerveau, un peu comme des hallucinations inconscientes »
Joel Perason dans une interview.
« Lorsque nous devons prendre une décision, les aires de décision du cerveau choisissent la trace de pensée la plus forte. En d’autres termes, si une activité préexistante du cerveau correspond à l’une des possibilités, alors votre cerveau tend à pencher pour ce choix-là, car il est boosté par cette activité déjà inscrite dans le cerveau »
Nous serions donc, malgré nous, amenés à faire les mêmes choix en boucle et à renforcer nos pensées. Un peu comme si le cerveau avait une sorte d’activité qui lui est propre.
Certaines zones du cerveau ont montré des résultats particulièrement intéressants.
« Les traces d’activité enregistrées dans les aires de la vue permettaient de prédire à quel point l’image serait forte dans l’esprit des participants »
Une découverte qui met en avant le rôle des aires visuelles dans la formation d’images mentales inconscientes. Ce genre d’images mentales non sollicitées apparaissent par exemple dans le cadre de syndromes post-traumatiques ou dans d’autres pathologies psychiatriques.
« Les personnes souffrant de stress post-traumatique indiquent l’absence totale de contrôle aussi bien sur la nature des images mentales qui leurs surviennent que sur leur clarté »
Quant à savoir si ces nouvelles découvertes remettent notre libre arbitre en question, les chercheurs n’ont, pour le moment, pas émis de conclusions à ce sujet
Retrouver ici l’article de Sciences & Avenir écrit par Coralie Lemke.