Neurosciences : comment l’art nous guérit
Saviez-vous qu’un tableau peut diminuer les effets de la maladie de parkinson ou que des notes de musique augmentent les chances de survies d’un malade du cancer ? Voici ce qui se passe dans notre cerveau quand l’art nous guérit.
Aujourd’hui à Montréal, si vous souffrez de dépression, ou de certaines maladies chroniques comme le diabète et même si vous êtes en soins palliatifs, votre médecin peut vous donner une « prescription muséale » : une ordonnance pour aller visiter un musée accompagné d’un proche ou d’un aide-soignant. C’est de l’art thérapeutique et c’est ce qu’étudie le neurologue Pierre Lemarquis, auteur du livre L’art qui guérit, aux éditions Hazan, novembre 2020.
Les multiples bienfaits de l’art
Suivre une chimiothérapie en musique permet d’en atténuer les effets secondaires comme les douleurs, la fatigue, les nausées, la perte d’appétit, les malaises, etc. La musique et les arts visuels sont utilisés pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. Un moyen d’aider les malades à raviver leurs souvenirs, leurs goûts, leur identité. Comme le montre la vidéo de cette ancienne ballerine se souvenant d’une de ses chorégraphies en écoutant la musique sur laquelle elle dansait.
Les bienfaits de l’art sont connus depuis des millénaires d’après le docteur Pierre Lemarquis :
C’est Aristote qui a peut-être le premier conceptualisé l’effet cathartique de l’art. Il nous dit dans son art poétique que si on va au théâtre, le fait de regarder les acteurs ça nous permet de vivre par transitivité leurs émotions et donc peut-être de se purger de nos pulsions. Aristote est confirmé par les travaux des neurosciences.
L’art, ce médicament
En observant un tableau, on ressent une palette d’émotions, de sensations. C’est en partie parce que l’art provoque des réactions chimiques dans notre cerveau.
On peut considérer qu’il agit presque comme un médicament parce que qu’est-ce qu’on trouve comme substances qui sont sécrétées en réaction en particulier à une œuvre d’art ? On va avoir de la dopamine, il y a certainement sécrétion de sérotonine, ce qu’on trouve dans tous les antidépresseurs, on va avoir aussi des effets sur la morphine endogène.
Dr. Pierre Lemarquis, neurologue
Regarder un tableau provoque des réactions chimiques dans notre cerveau• Crédits : Getty
Ces hormones jouent des rôles essentiels dans notre organisme. La dopamine par exemple est impliquée dans la motricité, c’est cette substance qui manque aux personnes atteintes de la maladie de parkinson. C’est elle aussi qui agit directement sur la partie de notre cerveau qui gère l’élan vital, notre envie de vivre.
Quant aux visites au musée des patients diabétiques à Montréal, elles leur permettent de diminuer leur taux de cortisol l’hormone du stress.
On sait aussi que quand on voit une œuvre d’art, par exemple si on voit la Joconde, notre cerveau fonctionne comme si on était réellement en face d’une femme, face à Mona Lisa. Comme si on était en train de discuter avec elle. Curieusement, les œuvres d’art qui ne sont pas des entités biologiques, sont perçues par notre cerveau comme si c’était des personnes vivantes.
Dr. Pierre Lemarquis, neurologue
En assimilant l’art à des personnes, notre cerveau active les « neurones miroirs » liés aux circuits de l’empathie, ce qui explique qu’une chanson puisse vous réconforter. L’art active aussi les circuits neuronaux du plaisir et de la récompense stimulant notre goût de vivre.
Des connexions neuronales s’activent au contact de l’art• Crédits : Getty
En 2019 l’OMS a publié un rapport basé sur 900 articles scientifiques. Les chercheurs ont réparti les formes d’art en 5 catégories :
- Arts visuels
- Arts de la scène
- Culture (musée, festivals, …)
- Arts numériques
- Littérature
Dans toutes ces catégories, les résultats sont positifs sur l’impact de l’art sur notre santé. Les arts apportent une aide psychologique, mais aussi physiologique, sociale et comportementale, en procurant une sensation de bien-être. Pourtant cette piste médicale reste largement sous-exploitée aujourd’hui.
L’OMS préconise par exemple de développer l’accès : à la musique lors d’opérations chirurgicales, à l’art dans les hôpitaux, etc.
Un jour on saura peut-être qu’il n’y avait pas d’art mais seulement de la médecine.
J. M. G. Le Clézio, écrivain
07/01/2021 Elsa Mourgues